L'à côté de la Gloire
L’à-côté de la gloire
De Jean SAINT JALM (Extrait du recueil Les Pétales Flétris)
Le carnage savant avait passé par là !
Des regards que, jadis, le bonheur étoila
S’étaient endormis là, noyés par l’ombre immense
Qu’étendait autour d’elle une Mort en démence !
Des membres vigoureux avaient senti le fer
Leur fracasser les os et mitrailler les chairs !
Des fils, aussi nombreux que le sable des grèves,
S’étaient assaillis là sans relâche, sans trève !
Et des hennissements, et de fiers bataillons
Laissant flotter au vent des drapeaux en haillons,
Et des mortiers pesants à la gueule béante,
Et des soixante-quinze aux rages toussotantes,
Pêle-mêle, crachant, fauchant, chargeant, brûlant,
Avaient empli ces lieux d’un tumulte effrayant !
On avait vu planer, au-dessus des armées,
De grands oiseaux d’acier perdus dans la fumée
Si dense que le ciel en était obscurci !
-Et, de loin, se faisant des gestes de défi,
Acclamant les démons tassés dans la mitraille,
Vingt peuples haletants regardaient la bataille.
Puis enfin, le combat s’était porté plus loin.
Cent blessés, étendus sur deux bottes de foins,
Alliés des Prussiens, champions de la France,
Et, les yeux agrandis par la peur de mourir,
S’examinaient entre eux, sans haine…ni plaisir !
Au fond du souterrain, où fumait une lampe,
Les mains rouges, suant, sciant des bras, des jambes,
Un jeune médecin, assisté d’une sœur,
Exerçait froidement son métier de sauveur !
Des blessés, exhalant des jurons, des prières,
Tout à tour appelaient leur compagne, leur mère !
Et parfois l’un – sentant s’évanouir son mal –
Murmurait, l’œil baigné par un vague idéal :
« Je suis sauvé ! Voici que mon martyre achève… »
-Et mourait doucement en faisant ce beau rêve !
… On entendit, tout près, éclater un obus !
-Ah çà ! dit un soldat, c’est vraiment un abus
De déranger les morts et les hommes qui meurent !
-C’est dur de ne rien voir avec des yeux qui pleurent,
Dit un deuxième ! … On peut s’accoutumer à tout,
Mais, à qui n’y voit plus, la vie est en dégoût !
-On se rouille à rester assis sur une natte,
Reprit un Parisien, apprenti cul-de-jatte,
Enviant les pieds plats d’un noir Sénégalais
Qu’un rêve nostalgique et la fièvre brûlaient ! …
Tandis qu’un Allemand qui connaissait la France
Songeait : il faudra bien que ceci recommence ! …
A mon grand oncle Jean Marie CAROFF Né le 30/10/1897 décédé le 14/09/1918.