Parle nous de l'être, qu'est ce donc être ?
Etre,
C’est être sage, sans être étranger au fou ;
C’est être fort, mais pas pour détruire ce qui est faible ;
C’est jouer avec de petits enfants, non comme le font les pères,
mais bien plutôt comme des compagnons de jeux
désireux de s’initier à leur amusements.
C’est être simple et franc avec les hommes et les femmes âgés,
s’asseoir auprès d’eux à l’ombre de vieux chênes,
bien que vous, vous viviez toujours à l’heure du printemps.
C’est partir à la recherche d’un poète,
même s’il demeure au-delà des sept fleuves,
et être en paix auprès de lui, sans aucun désir,
aucun doute, sans une question sur vos lèvres.
C’est savoir que le saint et le pécheur sont frères jumeaux,
Fils de notre gracieux Roi, et savoir que l’un d’eux,
parce qu’il est né à peine avant l’autre,
nous le considérons comme le prince héritier.
C’est suivre la Beauté,
même si elle vous conduit au bord d’un précipice,
et, bien qu’elle soit ailée alors que vous ne l’êtes pas,
bien qu’elle saute au-dessus du précipice,
la suivre quand même,
car où la Beauté est absente, il n’y a rien.
C'est être un jardin sans murs,
une vigne sans gardien,
une maison qui recèle un trésor,
mais toujours ouverte à tous les passants.
C’est être volé, trompé, abusé, oui, induit en erreur,
pris au piège et ensuite bafoué, mais,
malgré toutes ces avanies,
regarder tout cela comme rien au fond de vous mêmes,
et sourire, car vous savez qu’un printemps
viendra s’épanouir dans votre jardin,
danser dans les feuillages,
qu’un automne viendra mûrir vos raisins,
et que vous savez que si une seule
de vos fenêtres s’ouvre à l’est, vous ne serez jamais sans rien.
Vous saurez aussi que tous ceux qu’on appelle malfaiteurs,
voleurs, escrocs et trompeurs sont vos frères dans le besoin,
et que vous-mêmes, vous êtes peut-être comme
eux aux yeux des habitants bénis de la Cité Invisible,
édifiée au-dessus de la cité visible.
Quant à vous, dont les mains trouvent et fabriquent
tout ce qui est nécessaire pour passer confortablement
vos jours et vos nuits,
Etre, c’est exercer le métier de tisserand avec des doigts qui voient,
le métier d’architecte, jouant avec la lumière et l’espace,
celui de laboureur en sachant que vous cachez un trésor
dans chaque semence que vous enterrez,
celui de pêcheur et de chasseur pitoyables pour le poisson et le gibier, mais plus encore pour ceux qui ont faim et pour tous les besoins de l’homme.
Surtout je vous dit ceci : je voudrais vous voir, chacun d’entre vous, s’associer au projet de tout homme, car c’est ainsi seulement que vous pourrez espérer réaliser au mieux vos propres desseins.
Khalil Gibran extrait de : le jardin du prophète.
Si vous allez à la page être vous en aurez une autre définition ....