Roman "Je l'aimais"
Je vous livre aujourd'hui un passage du roman dans lequel je suis
plongée,
c'est Anna GAVALDA qui en est l'auteur.
"....Il me souriait.
- c'est incroyable...Incroyable...
- Quoi ?
- Mais tout çà...Tout ce que vous m'avez raconté...
- Non, ce n'est pas incroyable. C'est très banal au contraire.
"Très très banal...Je parle aujourd'hui parce que c'est toi, parce que c'est ici, dans cette pièce, dans cette maison, parce qu'il fait nuit et parce que Adrien te fait souffrir. Parce que son
choix me désespère et me rassure aussi. Parce que je n'aime pas te voir malheureuse, j'ai trop fait souffrir moi-même...Et parce que je préfère te voir souffrir beaucoup aujourd'hui plutôt qu'un
peu tout la vie.
" J'en vois des gens souffrir un peu, rien qu'un peu, rien qu'à peine mais juste ce qu'il faut pour tout rater, tu sais... Oui, à mon âge, je vois çà beaucoup...Des gens qui sont encore ensemble
parce qu'ils se sont arc-boutés là dessus, sur cette petite chose ingrate, leur vie sans éclat. Tous ces arrangements, toutes ces contradictions...Et tout çà pour en finir là...
" Bravo, bravo, bravo ! On a tout enterré, nos amis, nos rêves et nos amours, et maintenant, çà va être notre tour ! Bravo, les amis !
Il applaudissait.
- Retraités...retraités de tout. Je les hais. Je les hais, tu m'entends ? Je les hais parce qu'ils me renvoient ma propre image. Ils sont là, vautrés dans leur bonne satisfaction. Le navire a
tenu bon, le navire a tenu bon ! Semblent-ils nous dire sans jamais s'épauler. Mais à quel prix bon Dieu ? A quel prix ? Il y a des regrets, des remords, des fêlures et des compromissions
qui ne cicatrisent pas, qui ne cicatriseront jamais. Jamais, tu m'entends ! Même aux Hespérides. Même avec les arrière-petits-enfants assis tout autour pour la photo. Même en répondant exactement
en même temps à une question de Julien Lepers.
Je ne sais pas s'il n'était jamais ivre, mais enfin...
Il a cessé de parler et de gesticuler et nous sommes restés comme çà un long moment. En silence. A compter les escarmouches du feu. ..."
*
Bonne Journée ! Bel été.